Madame De Pussec 1/3

Une histoire pour vous

En cette période de fête, je vous partage une nouvelle histoire en première, elle est tirée de mon prochain livre, « Rendez-vous dans la forêt zéro » qui sortira en automne 2020.
Voici la première partie, qu’elle vous soit en bénédictions:

Et d’ici-là, quoi que vous viviez, 

je vous souhaite de bonne fêtes de fin d’année.

 

Témoignage vécu raconté en 3 parties

Partie 1/3

Madame De Pussec* (ce n’est pas son vrai nom)  

J’ai 15 ans et c’est ma dernière année scolaire obligatoire…

Cours scolaire inutile

Mon prof d’école, qui ne voit pas l’intérêt du cours « religion », l’a remplacé par celui de dessin. Une leçon tout aussi inutile à ses yeux, mais qui a l’avantage de faire passer le temps sans se prendre la tête.

Le rictus de la mort

Aujourd’hui, il a commencé ce « cours » flanqué d’une vielle dame énigmatique à sa droite. Elle a des lunettes portées à bout de nez (pareil que lorsque tu veux faire rire les copains). Son visage creusé avec sévérité par le temps est si loin dans le monde du sérieux qu’il en a dépassé la frontière pour basculer dans le côté comique de la force.

– Je vous présente madame De Pussec qui me remplacera pour quelques mois au cours de « religion ».

S’il y a une chose que nos années scolaires auront réussi à (vraiment) nous inculquer, c’est de feindre l’écoute : les adultes appellent ça « la politesse ». Ce genre d’info ainsi proférée au devant d’une classe, n’a aucune adhérence sur nos cerveaux épris de liberté, sauf… si elle est accompagnée de ce petit quelque chose qui jure dans le paysage, comme en ce moment. Car bien plus que les sons buccaux que profère le prof, c’est un petit détail qui retient toute notre curiosité : un rictus discret. Ce dernier, ayant réussi à échapper à la vigilance de son propriétaire, retient toute la nôtre. Le bâtard ainsi posé sur la commissure des lèvres de l’instituteur, filtre son discours et lui donne toute sa saveur.

Pareil à des charognards avisés, nous avons aussitôt repéré la faiblesse dans le caractère de la proie qui vient de nous être jetée en pâture. Inconsciemment, en présentant ainsi sa remplaçante, la véritable personne cachée derrière le rôle d’instituteur (celle de la vraie vie) nous a donné son aval pour le massacre humain qui va suivre… et ce, dès qu’il aura quitté la classe pour la laisser seule avec nous.

La cour des miracles

Davantage qu’un début de cours, la sonnerie annonce celui d’un spectacle d’impro-catch encore plus ouf que le précédent (si, si c’est possible !). Les leçons de madame de Pussec  sont sans conteste parmi les plus extravagantes qu’il m’ait été donné d’assister durant toute ma carrière d’élève forcé.

Car durant une heure, les écoliers se transforment en d’horribles diablotins rivalisant d’hardiesse pour amuser la classe. C’est à celui qui sera le plus impertinent.

Le long corps voûté et décharné de cette nouvelle remplaçante, bien en vue au milieu de classe, en fait une cible toute désignée. Son âge respectable n’en a que le titre. Son incapacité à transformer l’humour en autre chose que de la vexation est un pur délice, et son côté inflexible de vieille fille austère est une invitation à l’hystérie collective.

Mais stoïque et consciencieuse, elle donne sa leçon en ignorant les billets et les quolibets volant un peu partout dans la classe (il neige dans la classe, c’est noël!).

 

Le barrage

Ça aurait dû être l’occasion rêvée pour me joindre à la cohue générale, du pain béni pour moi. Un tel espace de liberté aurait dû servir à réaffirmer mon talent officiel d’humoriste de la classe, mais non. Quelque chose à la fois désagréable et incroyable m’empêche de me laisser aller pleinement. En effet, à travers les bribes de ce que j’ai réussi à capter de sa leçon, j’ai identifié un écho céleste qui raisonne en moi. Car lorsque la prof parle de la Bible, je devine plus de profondeur qu’une leçon apprise récitée en surface.


Partie 2          Partie 3

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